Mercredi 12 février, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a présenté les premiers aspects du projet de loi sur "l'adaptation de la société au vieillissement". Ce "projet innovant", selon lui, compte privilégier le maintien à domicile des personnes dépendantes. Peut-il vraiment faire bouger les choses ?
Pour Muriel Boulmier, déléguée nationale de l'UDI au 3e âge, il faut se méfier des promesses en l'air.
C’est
l’un des grands chantiers du quinquennat. En tout cas, il a été annoncé
comme tel. La jeunesse aussi me direz-vous, et pourtant, en deux ans
qu’a fait concrètement le gouvernement pour les jeunes ?
Raison
de plus, donc, pour se méfier et rester sur nos gardes, nous, acteurs
et observateurs des politiques publiques du vieillissement.
Les premières annonces nous laissent sur notre faim
Cette
fois-ci, plus question de dépendance ou d’autonomie, la sémantique a
changé pour préférer aux concepts érodés une réalité : le
vieillissement. Un point incontestablement à saluer.
Les
responsables politiques abandonnent enfin la simple approche
médico-sociale pour une vision plus globale et sociétale. Enfin, sur le
papier.
Il
est maintenant indispensable que ce changement de paradigme se
concrétise dans l’élaboration, la mise en œuvre et le financement de la
réforme. Car certes, les belles ambitions font naître l’espoir. Mais
encore faut-il ensuite y réponde ; et on fait rarement beaucoup avec
peu.
Pour le moment, force est de reconnaître que les premières annonces du Premier ministre nous laissent sur notre faim.
Un budget trop faible pour un tel chantier
Sur un plan financier d’abord. L’argent ne fait pas tout, mais il reste le nerf de la guerre. La loi sur l’adaptation de la société au vieillissement disposera de 645 millions d’euros,
provenant du produit annuel de la contribution additionnelle de
solidarité pour l’autonomie sur les revenus, des retraites et des
pensions d'invalidité des plus de 60 ans qui acquittent 61 euros d’impôt
ou plus (soit 1.143 euros par mois).
On peut légitimement s’interroger sur le montant du budget, sur les moyens mobilisés, et sur la façon dont il sera dépensé.
Le
montant de 645 millions d’euros est incontestablement un chiffre
faible, mesuré aux enjeux d’une politique publique censée répondre aux
attentes de presque 20% de la population française. Les chantiers
laissés en jachère depuis des années par les responsables politiques
successifs sont nombreux.
Le
plus important : le maintien à domicile, par l’aide à l’adaptation des
logements, le développement des auxiliaires de vie, la rénovation des
établissements spécialisés, les dispositifs de soutien aux familles des
malades touchés par la maladie d’Alzheimer…
Un financement peu légitime
Les
moyens mobilisés, maintenant. Je ne peux m’empêcher de m’interroger sur
la légitimité d’un financement reposant sur une taxe provenant
exclusivement des revenus des retraités : est-ce donc cela, la
conception qu’a la gauche de la solidarité nationale ?
Une
politique publique entièrement à la charge des bénéficiaires, fut-ce
les plus modestes d'entre eux, est-elle une vraie politique publique ?
La
politique du vieillissement est une politique sociétale qui concerne
chacun d’entre nous, et qui doit reposer sur chacun d’entre nous, d’une
façon juste et équitable. Demandera-t-on demain aux jeunes de payer pour
les politiques de la jeunesse, aux femmes de financer les mesures mises
en œuvre pour favoriser la parité ?
Ce raisonnement est indéfendable, et ne correspond en rien à nos traditions républicaines.
Trop peu de ministères engagés
Venons-en enfin à la façon dont il sera dépensé. Qui le dépensera d’abord ?
L’intitulé
même de ce projet de loi sur le vieillissement laissait espérer une
prise en charge globale, sociétale, au-delà des simples considérations
habituelles médico-sociales. Mais il ne doit pas s’agir d’un simple
effet d’affichage.
Comment
expliquer, si le gouvernement souhaite construire une approche globale,
que seuls les ministères des affaires sociales et des personnes âgées
soient pour l’instant sur le pont ?
Quid
du ministère du logement, alors qu’il s’agit d’adapter 80.000
habitations pour améliorer enfin le maintien à domicile ? Où est le
ministère des Transports ? Que fait Bercy quand le développement de la "Silver economy", domotique et nouvelles technologies en tête, est une pierre angulaire de la politique à mettre en œuvre ?
L’incitation
à les utiliser devra être plus significative que le simple
redéploiement du crédit d’impôt adaptation qui semblerait lui être
réservée. Un crédit d’impôt réservé aux plus modestes aurait été plus
efficace, en ciblant les équipements de grande nécessité trop chers pour
les plus de 70 ans ayant à peine 900 euros de revenus mensuels.
Vieillir n’est ni un handicap ni une maladie
Une
telle mesure répondrait enfin à la nécessité de promouvoir le maintien à
domicile, grand défi des dix ans qui viennent. Or, tant qu’une personne
âgée devra choisir entre une auxiliaire de vie et une douche adaptée,
nous ne sortirons pas de cette impasse qui les conduit inexorablement,
un jour, à quitter leur foyer pour des établissements spécialisés trop
onéreux pour leur budget et ceux de leur famille.
Vieillir n’est ni un handicap ni une maladie. Ce gouvernement semble l’avoir compris, il faut s’en réjouir.
Mais
les espoirs déçus sont les plus cruels. Ce projet de loi a soulevé des
attentes. Il faut maintenant être à la hauteur, avec moyens et mesures
adéquats. Faire évoluer les regards et les comportements, qui
cantonnaient jusqu’à aujourd’hui ceux que l’on appelle communément "les
vieux" à la sphère médico-sociale, est complexe.
Et "les
vieux" justement doivent avoir la preuve qu’ils peuvent compter non pas
que sur eux-mêmes, mais bien sur la société tout entière.
Muriel BOULMIER
Chef d’entreprise
Secrétaire nationale du Nouveau centre
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